Propositions

Propositions

Maintenir une définition large du lanceur d’alerte

La loi française actuelle offre une définition du lanceur d’alerte parmi les plus larges au monde. Est considérée comme lanceur d’alerte toute personne qui révèle une violation du droit ou une menace pour l’intérêt général quelque soit son secteur d’activité. Il s’agit aussi de l’une des seules définitions qui protège tous les citoyens et pas uniquement les lanceurs d’alerte dans le contexte du travail. Cette définition est plus large que celle retenue par la directive européenne et il est important de la préserver.

Ce que nous proposons : Cette définition large doit être préservée. 21 % des alertes accompagnées par la MLA sont lancées hors du cadre du travail. Restreindre cette définition, c’est priver parents d’élèves, riverains, conseillers municipaux, militants associatifs d’une protection et de la possibilité de voir leur alerte traitée.

Lever les freins qui découragent et insécurisent les lanceurs d’alerte

La loi française actuelle comporte de nombreuses lacunes. Pour bénéficier d’une protection, un lanceur d’alerte doit, par exemple, avoir signalé les faits tout d’abord en interne, avant même les autorités judiciaires, s’exposant ainsi au risque de représailles. Ce premier pallier décourage bien souvent les lanceurs, tout comme l’obligation d’agir de manière “désintéressée”. Un lanceur d’alerte n’est en effet reconnu comme tel qu’au terme d’une longue procédure judiciaire qui démontre qu’il est “désintéressé et de bonne foi”, permettant à la partie adverse d’utiliser tout conflit avec le lanceur d’alerte pour le disqualifier. Ces conditions créent une insécurité juridique à même de décourager des alertes graves et sérieuses.

Ce que nous proposons : La directive prévoit des dispositions qui pallient ces failles majeures du droit français et doivent être transposées mot pour mot. Les lanceurs d’alerte doivent disposer d’un droit d’option et pouvoir choisir, en premier lieu, entre la voie interne et l’alerte auprès d’une autorité externe en fonction de leur situation. Seule la bonne foi du lanceur d’alerte et le respect des procédures doivent être nécessaires pour obtenir une protection. Ces avancées sont capitales pour sécuriser les lanceurs d’alerte et qu’ils soient reconnus comme tels dès qu’ils commencent à agir.

Donner les moyens d’un soutien social et psychologique aux lanceurs d’alerte

Un grand nombre de lanceurs d’alerte se trouvent aujourd’hui en difficulté pour avoir révélé des dysfonctionnements. L’activité de la MLA fait état d’une souffrance psychique accrue et d’un isolement pouvant occasionner des troubles et des risques pour leur santé mentale. Or, les missions du Défenseur des droits, autorité compétente pour orienter et accompagner les lanceurs d’alerte, sont cantonnées à des conseils juridiques et les moyens manquent pour apporter des réponses satisfaisantes en la matière.

Ce que nous proposons : Le Défenseur des droits doit voir ses moyens renforcés. En validant la qualité de lanceurs d’alerte lorsqu’il est saisi par ceux-ci, il doit pouvoir faciliter l’accès des lanceurs d’alerte à une aide psychologique gratuite et rapide. Un réseau d’acteurs locaux, formés aux spécificités des lanceurs d’alerte, doit être mobilisé.

Créer un fonds de soutien

Lancer l’alerte a un coût : perte de salaire occasionnée par un licenciement ou une rétrogradation, frais de justice… Une étude menée par deux chercheuses anglo-saxonnes auprès de lanceurs d’alerte du monde entier indique que, dans 66 % des cas, le coût final dépasse les 100 000 £ (soit 115 000 €). Sans compter le temps passé à documenter une alerte ou préparer sa défense. Cette précarité financière imposée à des personnes qui ont fait leur devoir éthique et démocratique est intolérable.

Ce que nous proposons : La création d’un fonds de soutien est un impératif démocratique. Ce fond peut être alimenté par les amendes imposées aux entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière de procédure d’alerte interne ou ayant pris des mesures de rétorsion envers les lanceurs d’alerte.

Renforcer les sanctions contre les “étouffeurs d’alerte”

Les comportements hostiles destinés à nuire aux auteurs de signalements peinent à être sanctionnés. Signature d’accord comprenant une clause de confidentialité, mesures discriminatoires, harcèlement… Ces pratiques sont monnaie courante pour décourager les lanceurs d’alerte et leurs conséquences sont graves : elles empêchent de révéler des actes répréhensibles et donc d’y mettre un terme. Si la loi Sapin 2 prévoit un « délit d’entrave », il reste difficilement mobilisable et les sanctions associées peu dissuasives.

Ce que nous proposons : Il faut renforcer l’arsenal pénal punissant ceux qui tentent de décourager les lanceurs d’alerte, que ce soit avant leur signalement en les incitant à se taire, ou après en les sanctionnant. Ces sanctions doivent être suffisamment fortes pour dissuader toute forme d’entrave et s’accompagner de la création d’un délit pénal autonome de prise de représailles.

Créer un « guichet unique » pour le suivi des alertes

L’expérience de nos organisations en matière d’accompagnement des lanceurs d’alerte démontre la nécessité impérieuse, au vu de la complexité de leurs affaires et de la complexité du droit, d’être accompagnés de manière satisfaisante non seulement lorsqu’ils font l’objet de représailles, mais aussi pour les aider à porter leur alerte de manière adéquate. Si le Défenseur des droits joue actuellement ce rôle, ses moyens tant juridiques qu’humains restent insuffisants.

Ce que nous proposons : Le Défenseur des droits doit être le « guichet unique » pour les lanceurs d’alerte et se voir doter d’un rôle dans le suivi des alertes. Il doit pouvoir recevoir les alertes, les adresser aux autorités compétentes et s’assurer que des suites sont données dans un délai de trois mois.

Clarifier les autorités en charge de traiter les alertes

Aujourd’hui, aucun document officiel n’informe les lanceurs d’alerte sur l’autorité la plus à même de remédier à ce qu’ils dénoncent. Ils saisissent alors souvent des autorités incompétentes, ce qui ralentit voire bloque le traitement de l’alerte. Le Défenseur des droits, autorité compétente pour l’orientation et l’accompagnement des lanceurs d’alerte, ne dispose d’aucun pouvoir de contrôle des suites données aux alertes.

Ce que nous proposons : La  loi doit permettre d’identifier facilement à qui adresser une alerte. Ces autorités doivent être dotées d’une compétence officielle pour garantir que les alertes soient traitées efficacement.

Prévoir une immunité pénale pour l’obtention d’informations confidentielles

Si la révélation d’informations confidentielles fait l’objet d’une immunité, ce n’est pas le cas pour l’obtention de ces informations. On se trouve alors parfois dans une situation absurde où une personne signalant des informations dans le respect de la législation peut se voir, en parallèle, condamnée pour vol de documents ou intrusion dans un système informatique. Ces actes préalables sont pourtant indispensables à la révélation et la démonstration des faits.

Ce que nous proposons : Les personnes qui accèdent ou stockent des données confidentielles afin d’exercer, de bonne foi, leur droit d’alerte ne doivent en aucun cas être pénalement responsables. La criminalisation de ces actes doit se limiter aux effractions à des fins d’avantages personnels.

Protéger les organisations qui portent des alertes

Actuellement, seuls les individus peuvent bénéficier d’une protection au titre de lanceur d’alerte. La directive prévoit une protection pour les « facilitateurs » là encore réservée aux individus. Or, les ONG et les syndicats jouent un rôle majeur pour aider les lanceurs d’alerte. Ils peuvent les aider, relayer leur alerte ou encore porter l’alerte à leur place pour leur éviter d’être exposé et préserver leur anonymat. Ils sont alors tout aussi menacés : poursuites pénales, baisse de subventions, refus d’agrément…

Ce que nous proposons : Pour que ces organisations puissent continuer de soutenir les lanceurs d’alerte, une protection adéquate, complète, similaire à celle accordée aux individus, doit être accordée aux associations et aux syndicats dès lors qu’ils portent ou facilitent une alerte.

Garantir aux organisations un droit à protéger leurs sources

Les organisations qui soutiennent les lanceurs d’alerte sont bien souvent inquiétées par les mesures d’enquête prises pour établir les faits. L’identité du lanceur d’alerte est encore trop souvent recherchée sans que l’utilité de cette information soit nécessairement établie. Or, lever l’anonymat des lanceurs d’alerte peut les mettre en danger et les exposer aux représailles. Cela brise un lien de confiance indispensable pour révéler les abus.

Ce que nous proposons : Les enquêtes générées par une alerte doivent se concentrer sur les faits et ne doivent pas inquiéter les personnes qui les révèlent. Sur le modèle de ce dont bénéficient les journalistes, associations et syndicats doivent pouvoir leur opposer le secret pour préserver l’anonymat des lanceurs d’alerte.

Impliquer les syndicats dans la mise en place des canaux internes aux entreprises

Les syndicats jouent un rôle important dans le processus d’alerte. Ils sont souvent les premiers interlocuteurs des lanceurs d’alerte en entreprise et les mieux placés pour en connaître les spécificités. Or, la définition des canaux d’alerte interne et des modalités de leur traitement relève, à l’heure actuelle, de la seule responsabilité de la direction de l’entreprise. La transparence, l’impartialité et le caractère contradictoire des enquêtes internes se voient alors questionnés.

Ce que nous proposons : Les dispositifs d’alerte interne doivent être négociés avec les syndicats. Les représentants du personnel doivent être associés à la réception des alertes et à la décision d’ouverture des enquêtes. Ils doivent pouvoir saisir le Défenseur des droits ou l’Inspection du travail en cas de désaccord sur les conclusions.

Faciliter les procédures d’urgence pour les agents publics aussi

Alors qu’ils sont souvent les premiers témoins du gaspillage des fonds publics ou des affaires de corruption, les agents publics sont mal lotis lorsqu’il s’agit d’avoir un accès rapide aux tribunaux. S’il existe une procédure d’urgence efficace en droit du travail, pour faire annuler, par exemple, une décision abusive, les procédures similaires en droit public sont inaccessibles dans les faits à la plupart des agents publics, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels.

Ce que nous proposons : La condition d’urgence dans le cadre des référés dits « liberté » et « suspension » est interprétée de manière trop stricte par le juge administratif pour permettre aux agents publics lanceurs d’alerte d’y avoir accès. La loi doit prévoir que cette urgence est présumée lorsqu’une personne répond aux critères de lanceur d’alerte.

Adopter un dispositif d’alerte spécifique aux questions de sécurité nationale

L’affaire Snowden a démontré la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte travaillant dans le domaine de la sécurité nationale :  si le secret défense est nécessaire à la protection d’intérêts publics, il permet malheureusement, parfois, de masquer des violations des droits humains ou de la vie privée. La CEDH a pris la mesure de ce problème mais la France continue d’exclure les personnes révélant des informations couvertes par le secret-défense du régime de protection des lanceurs d’alerte.

Ce que nous proposons : La procédure prévue par la loi renseignement de 2015 est trop lourde et peu effective. Elle doit être réformée en suivant les principes de Tschwane qui prévoient notamment des organismes de contrôle spécifiques, indépendants et disposant d’un droit d’accès à l’ensemble des informations pertinentes.

Offrir un accès facilité au statut de réfugié pour les lanceurs d’alerte

Snowden, Assange mais aussi nombre de lanceurs d’alerte moins connus demandent l’asile pour être protégés des représailles. Mais le droit d’asile est inadapté à la situation particulière des lanceurs d’alerte. Il s’avère notamment impossible de demander l’asile sans être physiquement présent sur le territoire français. Or, la non délivrance d’un visa peut faire partie des représailles, les lanceurs d’alerte peuvent se voir emprisonnés, assignés à domicile ou contraints dans leur mobilité.

Ce que nous proposons : Les lanceurs d’alerte doivent avoir la possibilité d’obtenir un visa humanitaire ou de solliciter l’asile via le réseau consulaire français. Une réforme du code des étrangers doit leur permettre de se voir accorder de plein droit le statut de réfugié dès lors qu’ils remplissent les critères associés au statut de lanceur d’alerte, et donner à l’OFPRA la capacité d’examiner leur demande à distance.